Vague

Il y eut un matin, il y eut un frémissement, un soupçon… à peine.

Il y eut un mouvement. Et je me suis peu à peu soulevée. Et j’ai vu l’étendue sur laquelle mon regard se posait, c’était si beau. Mais ce qui l’était encore plus était la puissance que cela me donnait. Toute cette étendue serait à moi, j’étais capable de la conquérir. Ne m’étais-je pas levée pour cela ?

De vague douce, je devins de plus en plus haute, écrasant de ma puissance celles qui me faisaient de l’ombre, me jetant sur celles qui tentaient de me contrecarrer, de toute la prétention dont j’étais capable. J’étais née pour être Reine, rien ne pourrait me détrôner. Ce fut une lutte féroce.

Il y eut un soir… où mes forces, peu à peu, m’abandonnèrent. Et pour la première fois je me sentis vulnérable, troublée… J’observais les autres vagues frémir, se soulever, se confronter.

Que pouvais-je faire de plus ? Alors, j’ai regardé l’étendue que je n’avais jamais quittée.

Après ces longs combats sans trêve vint le désir de tranquillité. Les fond océaniques attirèrent toute mon attention. Je voyais, je percevais les abimes obscurs qui m’appelaient. A quoi bon cette volonté épuisante d’aller plus haut quand tout ici était si calme et si paisible.

Je perçus l’indicible comme une promesse de délivrance.

Il y eut un matin… un nouveau frémissement, et je me suis, à nouveau, soulevée. Et j’ai vu une étendue à perte de vue, et des vagues frétillantes, douces et puissantes, jouant, dansant ou guerroyant.

Il y eut un soir… où je vis que leur existence n’étaient dépendantes que du vent, qu’elles ne s’agitaient que par son souffle. Puis je vis que le vent lui-même dépendait d’autres éléments, que tout était intriquement mêlé, que l’intrication était si complexe qu’il était impossible d’en déterminer la cause et le but.

Et je vis l’impensable, une révolte sans nom… « L’impossibilité était un faux-semblant ». L’impossibilité même n’existait pas. Il n’y avait tout simplement aucune cause ni aucun but.

Rien d’autre n’existait que ce qui était. C’était, c’était tout. Tout ce que je pouvais dire, ou penser, tout ce que je pouvais imaginer, n’était qu’interprétations formant une histoire… Une histoire !!! Et je vis que, quelle que soit l’histoire que je me plaisais à créer, à peaufiner, elle n’affectait pas, elle ne « pouvait » pas affecter ce qui est, immuable et pourtant si vivant, vivant de sa vie seule, sans cause et sans but.

Ah, pauvres de nous, vagues de toutes formes, de toutes batailles, qui poursuivons, aveugles, nos chimères, qui croyons dur comme fer avoir notre mot à dire, qui sommes orgueilleusement convaincus que nos actions sont capables d’influencer, de diriger ce qui est depuis toujours alors que ce que nous transformons n’est autre que nos propres histoires, qui se renouvellent sans cesse, sous des angles, des formes et des couleurs que nous plaquons avec toute notre arrogance sur ce qui est, et qui est déjà sans nous.

Et je vis aussitôt l’absurdité de la chose qui se renouvelait encore, et encore…

Et ainsi, tout se tut.

 

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